Les giboulées de mars succèdent à celles de février.
La terre dégorge son trop plein d'eau en flaques boueuses où se reflètent les troncs et les branches élancées des chênes devant la maison, et la voiture du facteur s'enfonce un peu plus chaque jour, laissant derrière elle ses grasses empreintes de pneus.
Mais dès qu'un raie de lumière transperce la grisaille, les oiseaux s'égosillent dans les fourrés et les fleurettes percent la terre d'indigo, de violet ou d'or, et jaillissent en bourgeons, globules grappes et étoiles. Le buis a fleuri aussi et laisse courir son parfum de miel musqué sur le chemin qui mène vers la maison.
La saison des amours est proche et se devine sous ces affolements encore maîtrisés de la nature. La vie conte fleurette... Et nous comptons nos petites fleurs qui éclosent le long du sentier.
Je voudrais pouvoir virevolter et folâtrer de ci et de là, mais, tout comme ce printemps, mes élans sont stoppés net par les ultimes petites morsures de l'hiver et par mes blessures et mon dos meurtris.
Patience, rien n'est encore dit.
De grosses bourrasques s'en viennent casser des branches mortes et plier quelques arbres trop frêles.
Dans le ciel d'énormes nuages en écheveau filent leur laine grise et blanche en épaisses torsades géantes d'un horizon à l'autre. Les vents du Nord les poussent rapidement vers l'ouest ou le sud ; alors le ciel redevient clair et lumineux, jusqu'à ce qu'un autre train de nuées ne vienne l'obscurcir, apportant avec lui des averses brutales et glacées, lançant sur nous, violemment, des poignées de petites billes blanches et crépitante d'un grésil de printemps.
La colline est trempée.
Puis elle fait le gros dos, s'ébroue, et brille de mille gouttes : soudain les nuages se sont rassemblés, en couches épaisses tout autour du bord du ciel comme autour d'un couvercle invisible, et elle est au sec et au bleu !
Nous sortons alors de la torpeur tiède de la maison pour prendre de plein fouet le vent qui cingle nos visages.
Nous marchons aussi vite que mes jambes et mon dos me le permettent, afin de ne pas avoir froid, traversons la petite truffière qui n'a jamais porté de truffes, longeons les murets et cayroux à moitié écroulés, passons sous les branches basses des pins sylvestres, chassons deux geais et trois corneilles, pour finir par le grand pré à l'orée du bois dont les mousses sont scarifiées, presque chaque nuit par les familles de sangliers en quête de pitance.
Il ne reste plus qu'à remonter la route asphaltée sur quelques mètres et nous voici entre les buis. La boucle est bouclée.
Nous retrouvons avec délice l'abri et la chaleur de notre chez nous.
Un thé bien chaud, des tranches de cake aux fruits, ou des tartines de beurre et de miel, une pomme... un peu de lecture, d'écriture, et j'attends la prochaine éclaircie pour repartir sur les sentes de la colline
Ainsi vont et viennent les journées sur la colline, accrochées au dos du Monde qui roule sa bosse dans l'infini de l'espace temps.
Écrire commentaire
Eribalin (vendredi, 11 mars 2016 07:55)
Pour nous c'est pareil ! Je sort accompagné de Guimauve, notre chienne, que tu ne connais pas encore ! Cela viendra lors d'un rassemblement où nous nous reconnaitrons !
Bises.
Eribalin.
L'année des Lucioles (samedi, 12 mars 2016 11:04)
@Eribalin
Merci pour ce message prometteur d'escapades futures... En Eriba bien sûr :)
Bonnes balades en compagnie de Guimauve et peut-être à bientôt !
Yannick (mardi, 15 mars 2016 09:17)
Merci pour tous ces mots qui savent décrire ce que chacun peut voir et ressentir sans pouvoir l'exprimer. J'espère, comme Alain, qu'un jour peut être nous aurons l'occasion de faire connaissance.
L'année des Lucioles (mardi, 15 mars 2016 19:51)
Un jour peut-être, nos routes se croiseront, qui sait ? ^_~ ....