Le jour se lève.
Depuis mon lit j'ouvre les yeux et écoute.
Entre les interstices du volet électrique baissé, une clarté blafarde s'intensifie.
La Tramontane descendue de l'arrière pays fait murmurer les parasols des hauts pins qui entourent la maison. Haleine déjà chaude qui laisse deviner une nouvelle journée caniculaire.
Des tourterelles commencent leur causerie monocorde Coucouroucou Cou Cou, Coucouroucou Cou Cou.
Plus tard, le poc poc régulier des balles de tennis des premiers échanges sur les courts voisins, commencent à rythmer la journée qui s'annonce chaude.
Les pins murmurent doucement et mon esprit prend son vol, petite fumée, aspirée par ce chant, celui des esprits de la pinède...
Parfois le ricanement grinçant d'une mouette chapeaute tous les autres sons, et me rappelle que la méditerranées roule ses ourlets d'écumes sur le sable, là-vas, vers la Corniche. La Méditerranée qui a veillé de loin sur mon enfance, gonfle ses fonds marins de sa houle antique... Mais de là où je suis étendue, je la devine plutôt que je ne l'entends.
Ce sont ces bruits du matin, répétitifs, rythmés par le sac et le ressac des balles de tennis qui vont d'un bout de terrain à l'autre... Poc... Poc ... qui incrustent à jamais la bande son de ce séjour à Sète.
Et le murmure parfumé des pins.
La maison est plutôt fraîche et très calme. Un peu hors du monde et du présent.
Tôt le matin mon frère émerge de sa chambre pour faire sortir la Minette qui miaule ses demandes de façon lancinante et claironnante (elle est sourde). Puis il faudra la faire entrer, puis ressortir, puis rentrer encore. Va et vient comme les balles de tennis, dedans dehors, intérieur, extérieur.
Il fait déjà trop chaud pour prendre le petit-déjeuner ou le déjeuner sous la toile de la tonnelle.
Trop chaud pour sortir.
Trop chaud et trop de vent pour aller se tremper dans le clapot froid de la mer...
Nous irons, un soir, pour un dîner "Côté Mer" au crépuscule.
La température s'est enfin adoucie, et le repas s'annonce des plus agréables, lorsque soudain démarre un anniversaire "manouche" inattendu et tonitruant. Il a bien fallu en prendre le meilleur des partis : danser !
La soirée s'est avancée au son des guitares, battements secs de mains et chants criards des hommes.
Les ombres se sont couchées, mollement, sur la longue plage de la Baleine.
Soudain un homme, sorti de nulle part, déjà noyé dans l'alcool, a voulu se noyer aussi dans les eaux de la Méditerranée.
La fête "gitane" n'en fut pas perturbée outre mesure.
Quelques curieux allèrent néanmoins assister au sauvetage, par une jeune femme, de ce nouveau "Boudu sauvé des eaux", et à l'arrivée quelques minutes après, des pompiers.
Gyrophares bleus sur la plage dorée, camion rouge et or brillant comme un gros scarabée.
Il a fallu longtemps pour que l'inconnu reprenne un peu ses esprits et son équilibre. Les hommes en bleu sont restés avec lui puis l'ont emmené vers l'hôpital proche.
La nuit est finalement tombée peu après. Le St Clair s'est piqueté de lumières et le phare s'est mis à tourner.
Le matin du 4ème jour, était celui de la fête nationale.
Comme tous les matins, tourterelles, mouettes et poc poc des balles de tennis.
Mais aujourd'hui, mon lit semblait tanguer sous une houle particulière et douceâtre... J'avais tellement chaud tout d'un coup !
J'ai essayé de me lever pour mieux respirer. Ma tête s'est mis, vaguement, à tourner. Oh, pas fort, juste un étrange malaise : un mal de mer...
La journée n'a apporté, hélas, aucune amélioration. Ce fut même le contraire. Avais-je mangé quelque chose que mon corps refusait ?
Un docteur, ami de mon frère est alors gentiment venu me rendre visite, me prescrire quelques médicaments et me rassurer. J'avais déjà envisager des métastases dans les corps mous de mon ventre. Le Crabe n'est jamais loin... surtout en bord de mer...
J'étais désolée de jouer ainsi les trouble-fêtes.
Je n'ai pas pu aller à celle de ce 14 juillet, je n'ai pas vu les feux d'artifices sur la mer... enfouie sous mon drap tiède, dans le calme et le frais de ma chambrette, la tête bouillante, remplie de rêves étranges, lourds et glauques.
Il a fallu quelques jours avant que je ne retrouve la position debout... et les idées plus claires.
Enfin, un après-midi, en compagnie de ma belle-sœur et de ma grande petite nièce, je suis allé voir Pierrot, mon frère : il "plongeait", sous le théâtre de la mer, avec son groupe de "grenouilles" bénévoles : ils ont passé la journée à faire découvrir la plongée à des enfants, et à des handicapés moteurs.
Belle aventure pour ces derniers que de se retrouver, libre de leur mouvement et en apesanteur dans un tel univers... La Tramontane et la marche m'ont fait du bien. Elles ont lavé les miasmes de ces quelques jours de repos forcé et nauséeux.
Le dernier soir de mon séjour méditerranéen et familial, nous avons pris le grand vent depuis le sommet du Mont St Clair, aux Pierres Blanches, pins, et arbustes de cistes et térébinthes ! Là haut, la garrigue chante... comme une ode marine à Brassens, celui qui "passe sa mort en vacances" sous son pin parasol, tour près de l'eau, dans le cimetière des pauvres.
Au loin, entre les troncs sombres des pins, les parcs à huîtres sur l’Étang de Thau dessinait un quadrillage sombre et régulier sur le bleu clair de l'eau.
Il ne restait plus qu'à descendre sur les bords de l'étang, dans un de ces petits "mas" de pécheurs ou cabanes ostréicoles sans prétention, à côté de vieux hangars de réparation de bateaux, et déguster une spécialité dans la douceur du jour qui basculait ! Images de cartes postales !
Fruits de mer, encornets et vin blanc...
L'air sentait fort les algues et le sel marin.
Et toujours le murmure du vent dans les pins !
Merci à vous trois, Pierrot, Sylvie... et Margot ma jolie petite nièce !
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Pierre (samedi, 29 juillet 2017 09:50)
pour ta prochaine venue ce sera eau et coquillettes jambon ;-) bises