De tout et de rien... un peu.

Le facteur a modifié ses heures de tournée. Je me lève donc plus tôt et je commence la journée par un petit tour sur la colline : à l'ouest l'air est frais, presque froid, l'herbe encore mouillée de rosée. La vallée bruisse et vrombit de mille travaux déjà en cours, et des ronronnements des moteurs d'engins et de voitures.

A l'est, là où le soleil plaque ses larges étendues de rayons, par-dessus le vignoble, il fait déjà bien chaud.

C'est agréable ces matins calmes et ça me change de mes grasses matinées qui finissaient par m'alourdir et me donner mal à la tête ! C'est mieux ainsi.

 

Le facteur m'apporte, presque chaque jour, de petits colis, ou lettres, du bout du monde que j'ouvre et déplie en prenant mon petit déjeuner comme autant de paquets surprises. Ils viennent souvent de Shenzhen, dans la province du Guangdong, "petite" ville de plus de 10 millions d'habitants... mégalopole frénétique du delta de la Rivière des Perles, juste en bordure de Hong Kong. 

  

Des foulards, des robes légères, des fleurs pour mes cheveux, quelques "trucs de geek" aussi !... des câbles divers, des adaptateurs et micro carte pour mon téléphone... Imaginer depuis notre colline aux chênes peuplée de chevreuils, d'oiseaux et papillons, le contraste avec cette énorme cité clinquante, bourdonnante et bruyante d'où arrivent mes légers colifichets... c'est fascinant.

Puis je regarde passer le ballet incessant des longs et moyens courriers qui zèbrent le ciel de figures abstraites.

Je me souviens du temps où, dans les années cinquante, dans la cour de la garderie où mes parents me laissaient parfois un après-midi, avec les autres enfants, nous scandions en cœur en le pointant du doigt "NA-VION NA-VION" lorsque passait, rarement, dans notre ciel, un coucou à hélices qui nous mettait en joie ! Le "courrier" disait mon père !

 

Oh... "The Times They Are A-changin'' ... chantait Dylan

 

Hier matin, un vieux papillon "flambé", ses grandes ailes en delta décolorées, ternies et jaunies comme un papier gras, amputé de sa magnifique queue, était largement déployé sur une scabieuse mauve, presque bleue. Fines pattes agrippées à la fleur et trompe enfouie dans son cœur de pollen et nectar. Je suis passée à côté. Il ne s'est pas envolé. 

Ce matin je l'ai revu, posé sur nos lavandes. Il a plané d'une touffe à l'autre, lourdement, fatigué.

En fin de vie.

En ce début de mois d'août, l'été a déjà basculé vers un automne encore lointain mais qui a néanmoins commencé son lent travail de sape.

Les chants des cigales sont moins stridents, moins violents, moins assourdissants. Grosses crécelles enrouées.

 

Les couleurs sont moins éclatantes.

Un orage suivi d'une forte averse a abreuvé le temps d'une nuit, la terre et les plantes.

Le petit cerf de Formose (un muntjac de Reeves) échappé du parc mal fermé du voisin est venu timidement nous rendre visite. Nous ne savons pas si son propriétaire sait que cette "bestiole" se balade en toute liberté. Heureusement pour elle, elle ne semble pas trop s'éloigner et évite ainsi routes et chasseurs.

Elle est seule, ce qui est aussi un point positif pour elle : pas de risque de se multiplier, sinon ce serait la battue administrative et la mort au bout du chemin...

Nous ne disons rien. Nous sommes heureux de la savoir encore en vie depuis plus d'un an qu'elle s'est fait la belle.

"Notre" petite femelle muntjac
"Notre" petite femelle muntjac

En cette fin d'été elle doit avoir un peu de mal à trouver de l'eau... Les fontaines sont à sec. 

Heureusement nous avons notre petite mare, avec ses papyrus et nénuphars, en sortie de nos bacs d'assainissement !

Les oiseaux viennent s'y baigner et les animaux s'y abreuver parfois.

Ce qui me fait penser que je dois commencer à préparer ma cure thermale sur Dax. Qu'est-ce que je vais emporter dans cette ville inconnue où je vais passer trois semaines, seule, dans ce studio de ville que j'ai réservé ?

Heureusement j'y serai après la grande Feria ! Je ne supporterais pas ces festayres bruyants blancs et rouges, les tintamarres des bandas et les clameurs des arènes. 

 

Cette solitude ne me fait pas peur. Ce sera une parenthèse autre. J'appréhende un peu ? Même pas. Pas pour l'instant.

En revanche à la fin de cette semaine nous partons vers le sud du sud, dans la Montagne Noire où Lou a une partie de sa famille. Et là, ce voyage m'inquiète. La famille va converger vers cette maison accrochée aux rochers entre un torrent et des vignes abandonnées, des châtaigniers torts et noirs, des chênes verts, d'anciens cerisier, des cistes et des bruyères.

L'endroit est somptueux. Mais l'envers ?

Je ne me sens pas réellement prête à affronter toute la famille réunie. Pas prête à faire tous ces kilomètres en voiture. Pas prête.

 

Nous cueillerons Fleur en gare de Béziers où elle nous rejoindra.

Château de Bonaguil - 29 juillet 2016
Château de Bonaguil - 29 juillet 2016

Mon frère est venu nous voir avec sa petite famille.

Ce fut rapide mais bienvenu.

 

J'avais réussi le petit exploit de préparer la roulotte pour eux : ménage, rangement, lit... J'ai dû m'y rependre à plusieurs fois, mais je l'ai fait ! 

 

Je les ai emmenés découvrir l'incroyable château de Bonaguil. Le soleil était chaud entre les pierres. La visite fut fatigante pour moi, mais cela m'a fait du bien !

J'ai pris des photos. Beaucoup de photos.

 

Je ne sais pas si mon frère a aimé ou pas. Il ne m'a rien dit sur le sujet.

Sa fille est grande maintenant mais elle entre dans cette délicate phase de chrysalide : l'adolescence. Et devient un mystère à la fois pour elle-même et pour les autres, fermée mais aussi sans défense... Ils sont repartis vers d'autres châteaux : ceux du Val de Loire.

 

Fleur aussi était passée quelques jours avant et nous avons fêté ces retrouvailles par un de ces repas que nous aimons tant, dans notre restaurant préféré, en bas de la colline, dans la cour illuminé de soleil et lauriers roses.

 

Une envie de voyage me revient. 


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