Un an. Un anniversaire. Jour pour jour.
Le 22 juin 2015, au matin, j'écrivais :
"Il est temps de se lancer dans le vide.
Temps de franchir la porte et de trancher dans le vif... du sujet.
D'un coup d'un seul, sans mollir.
Le sabre est prêt."
Dans l'après-midi de ce même jour, j'étais passée de l'autre côté du miroir : je m'éveillais avec mon sein gauche en moins, des coutures en plus, deux drains que j'espérais provisoires et une belle pagaille à venir dans mes os, muscles et nerfs... Eux qui avaient vaillamment soutenu ce globe laiteux et magnifique, pendant plus d'un demi-siècle !
Un an a passé. Déjà. Mais pas encore de guérison en vue. Parlons plutôt de survie. Survivante du cancer du sein. Survivante certes, mais pour combien de temps ?
Mais au fond, est-ce important et opportun de se poser cette question ?
Pas si sûr : ne sommes-nous pas tous, et de toute façon, en sursis ?
Alors, même si parfois des pans de voiles sombres viennent obscurcir la lumière de mon ciel, surtout lorsque je dois me conformer au protocole dit "du suivi", me soumettre à des examens et autres bilans sanguins et me rendre chez l'un ou l'autre de ces "spécialistes" qui se sont penchés sur mon cas, j'ai décidé de voir la vie, en rose.
Rose, parfumée et fruitée.
Désormais, je parcours ce monde, souvent absurde, parfois dérisoire, rarement surréaliste, avec un zeste de désinvolture et d'humour... A l'image de la Panthère Rose, personnage onirique que je redessine à ma guise chaque jour, et au travers de ce diamant pur et rose, tel un "fancy vivid pink", dans le prisme duquel la lumière et le goût de la vie se colore et se constelle d'éclats étincelants et furtifs.
Je dérobe ainsi quotidiennement les parcelles de ce bonheur précieux et rare que j’estime désormais me revenir et que je m'octroie sans scrupules.
Et j'en suis fière.
Les roses n'ont qu'un temps et se fanent vite : qu'à cela ne tienne ! A moi de voler ce temps qui passe trop vite, de me l'approprier, de m'en imprégner, de le savourer jusqu’à plus soif !
Comme un insecte, plonger dans les plis et entrelacs de la fleur du temps, pour y pomper le nectar qu'elle cache, pour me saouler de son parfum poudré et légèrement citronné au goût d'extase et froisser entre mes doigts ses pétales de rosée et de mousseline de soie !
Demain il pourrait être trop tard.
Lorsque j'étais enfant, je détestais le rose !
Trop mièvre à mon goût.
Réservée aux petites filles-poupées, robes impeccables et chaussures vernis, cheveux bouclés, coiffées, enrubannées, et oreilles bouclées, elles aussi, de bijoux en or glissés dans leurs lobes percés par les mères, grand-mères ou marraines. Rites initiatiques, symboles prémonitoires de leur future vie d'épouses et de mères.
Cela m'horrifiait. Me révulsait.
En ce temps-là, c'était tout juste si j'acceptais les buvards que l'on nous fournissait, chichement, à l'école, pour sécher nos pattes de mouche tracées à l'encre violette : ils étaient roses ! Roses "chewing-gum" !
J'avais le teint, heureusement, très pâle !
Et ma grand-mère paternelle qui m'aurait bien vue en rose bonbon sucé s'est malgré tout vite rendu compte que cette couleur n'allait pas à ma carnation trop blanche ! Cela m’affadissait ! J'étais sauvée.
Elle opta alors pour le bleu : bleu marine ou bleu Marie... La Vierge, Marie à laquelle mon prénom me dédiait.
Quant à ma grand-tante, qui aimait les coquelicots, elle préféra le rouge... Je fus ainsi affublée pendant quelques années, de bérets rouge vif qui me faisait ressembler à une allumette ! Ce qui somme toute avait une certaine allure.
Le rose pâle ne me va toujours pas au teint, mais désormais j'ai envie que les couleurs de ma vie soit filtrées par cette douce demi-teinte, légère et pétillante comme les bulles du champagne rosé, fruitée et acidulée comme une mousse de framboise...
Voir la vie en rose.
Me forcer s'il le faut, à la voir en rose.
Avec cette force unique que l'on trouve chez les petits "bouts de femme", ainsi que l'on nous surnomme, cette force qui nous tient irrésistiblement et lumineusement debout face aux pires tours que la vie nous joue parfois.
Et aimer !
Se laisser aimer, caresser par un mot, un regard.
Surtout ne pas oublier de chavirer !
Perdre un peu pied... s'enivrer, se griser de lumière.
Frissonner.
Avoir peur mais y croire. Encore.
Avec autant d'inconscience et de ferveur. que la "Môme Piaf"...
"Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas
je vois la vie en rose
Il me dit des mots d'amour
Des mots de tous les jours
Et ça me fait quelque chose"
Écrire commentaire
Marie (vendredi, 24 juin 2016 20:43)
Je pense à toi...occupée...encombrée...Tu es une rose...désormais il faut que tu sois un fruit...la peche !!!
Y. St Malo (samedi, 25 juin 2016 15:27)
<<La mer est en bleu entre deux rochers blancs, je l'aurais voulu en orange ou même en arc en ciel ... >>
Changer la couleur du temps, changer la couleur des choses ? << Il suffit pour ça d'un peu d'imagination. >>
Je vois que tu ne perd rien de tes rêveries et ta façon de nous raconter tes douleurs physiques ou morales sont un réconfort pour nous qui ne pouvons qu'estimer ce quelle sont.
S'il te plait, continue à nous dessiner des moutons ...