Le Pays d'où je reviens

Désert de Huacachima (Pérou) - Blog de Monsieur Kurtis "the road and me" (http://theroadand.me)
Désert de Huacachima (Pérou) - Blog de Monsieur Kurtis "the road and me" (http://theroadand.me)

Au bout du monde, ou aux confins de l'univers, ce qui revient au même finalement puisque le monde n'a pas de 'bout' et l'univers pas de limites, existent des zones, aux marges d'ombres infinies, des contrées fantômes, impalpables. Des franges diffuses et confuses.

Inexistantes et pourtant bien réelles.

Là, ciel et terre se confondent en un magma luisant et doux, une houle de fond chaude et obscure, matrice de feu et de sang.

On ne sait plus si le temps s'écoule ou stagne. Il n'y a plus de nord. Ni de sud. Plus de lumière mais pas de nuit. 

 

C'est de ce voyage sans but, ni début, ni fin, au pays de nulle part, le Neverland de J. M. Barrie, que je reviens, riche d'une expérience banale et pourtant hors du commun , forte des épreuves et portes franchies, avec peine et douleur, mais sans faillir. 

Oh, ce voyage n'a rien d’extraordinaire en soi.

Je n'ai pas fait de rencontres exceptionnelles, je n'ai pas admiré de paysages ou de monuments à couper le souffle. Je n'ai pas pris de risques insensés, ni traversé de déserts, gravi des pics enneigés, escaladé les gratte-ciels fous des mégalopoles ni même découvert de somptueuses grottes, petits temples, immenses pagodes ou grandioses usines abandonnées au vent et aux mousses...

J'admire les cavaleurs du monde qui enchaînent ces aventures.

Mais moi, non, je n'ai rien fait de tout cela.

Je suis même souvent restée couchée. Ne faisant rien d'autre que de guetter le matin, ou le sommeil.

 

Mes exploits ont souvent tenu en peu de mots, en peu de gestes : me lever, aller aux toilettes, me doucher, m'habiller.

Mais la satisfaction d'avoir accompli ces gestes de ce qui peut paraître un quotidien banal, m'ont apporté une joie profonde. Difficile à expliquer et à retranscrire. Comme si je touchais à l'essence de la vie. A ce pourquoi et pour quoi je suis née.

Le bonheur indicible de sentir l'eau chaude couler sur mon corps endolori, l'air du dehors s'épanouir en pétale de rosée parfumée sur mon visage trop crispé par des douleurs internes et intenses !

 

Et dans ce désert presque privé de vie que j'ai parcouru, entrevoir, tel ce bivouac solitaire, éclairé du dedans dans les dunes de sable, cette lumière dans la nuit ! Cette luciole annonçant l'été, ce lumignon qui guide l'explorateur perdu !

 

Me sentir si petite, si minuscule, si insignifiante et pourtant si exceptionnellement grande et unique, au regard de ce pays qui n'en est pas un, de cet univers que l'on pressent sans jamais n'en voir qu'un infime partie.

 

Comment raconter ce voyage ?

Je n'en livrerai jamais que des parcelles, bribes et pièces éparpillées, embrouillées, d'un puzzle qui me dépasse.

Le lac Inle (Birmanie) - Blog de Monsieur Kurtis (http://theroadand.me)
Le lac Inle (Birmanie) - Blog de Monsieur Kurtis (http://theroadand.me)

Et pourtant... Petite Prométhée, je tente de dérober des étincelles du feu divin de l'Olympe pour les ramener à celles et ceux qui ignorent l'existence de ces marges aux confins des mondes connus, à celles et ceux qui pensent que leur vie est définitivement tracée, une bonne fois pour toutes, et se résume à ce que l'on achète, vend ou gagne, aux coups durs pertes et maladies, qui s'imaginent que le monde s'arrête au bout de leur nez, là où leurs yeux ne voient plus.

Même si je sais que ce que je rapporte de ce voyage ne sera perçu et reconnu que par celles et ceux qui connaissent déjà... Je continue.

 

A l'image des grands voyageurs qui font la route, parcourant notre Terre à pied, en stop, en train, bus, camion, avions, je perçois au fur et à mesure de mon voyage initiatique, autant la finitude et la petitesse de notre monde, que son infinie diversité, son incroyable immensité.

Et je voudrais le dire.

Plus les distances diminuent, plus large l'espace s'ouvre !

  

Vagabonde des limbes , "clocharde céleste", ce voyage sur le fil du rasoir de mon tropique du Cancer, ce road movie intérieur, vaut bien celui d'un Kerouac ou d'un Rimbaud.

Volcan Ijen - Java (Indonésie) - Blog de Monsieur Kurtis (http://theroadand.me/project/ijen-a-la-rencontre-des-flammes-bleues)
Volcan Ijen - Java (Indonésie) - Blog de Monsieur Kurtis (http://theroadand.me/project/ijen-a-la-rencontre-des-flammes-bleues)
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Commentaires: 3
  • #1

    Eribalin (dimanche, 22 mai 2016 21:18)

    A l'image des grands voyageurs qui font la route, parcourant notre Terre et en Eriba !

  • #2

    Yannick (lundi, 23 mai 2016 12:57)

    Merci pour ce message d'espoir. Il n'est de grande ou de petite richesse que dans le cœur, et le courage ne se mesure pas à la distance parcourue, qu'elle soit physique ou intellectuelle.
    Etre courageux c'est simplement faire ce qu'on peut, il n'y donc pas de mesure étalon.

  • #3

    L'année des Lucioles (mercredi, 25 mai 2016 14:30)

    @Eribalin : oui... j'ai "oublié" les attelages Eribéens, mais ils font partie de ce nomadisme ouvreur de portes, bien sûr aussi !
    @Yannick :) merci pour cette définition du courage et je vous en souhaite aussi une bonne rasade :)