En 2015, j'avais 64 ans.
En 2016 j'en ai eu le double !
Avec cette énormité paradoxale je bats le record de longévité de Jeanne Calment !...
Evidemment cette incongruité n'est qu’une figure de style...
Mais devenir vieux est fatigant ! Et pourtant... C'est le seul moyen pour ne pas mourir...
En 2015, mon corps fonctionnait tout seul, sans que je n'y prenne garde.
L'année d'après tout est devenu difficile, douloureux et souvent hors de portée.
Je me suis transformée en une sorte de terre brûlée, calcinée, atomisée par une de ces bombes destructrices et parfaitement inattendues dont la vie a le secret.
C'est pourtant avec ces cendres et ces restes noircis par le feu que je dois, comme Hiroshima et Nagasaki l'ont fait, comme le légendaire phœnix, me reconstruire et revivre, sans oublier ni renier ce qui s'est passé.
Il y a d'abord eu ce Cancer qu'il a fallu faire déguerpir à grands coups de poisons chimiques, de bistouri et d'irradiations : traitements barbares et destructeurs, dont on ressort, quand on en ressort, épuisé, laminé, meurtri et surtout mutilé à jamais.
Et c'est après cet épisode que mon corps s'est mis à brûler de l'intérieur, mes os se sont embrasés et ont commencé à se désagréger, me forçant à la position couchée et m'infligeant de bien vilaines douleurs que seule la morphine a un peu apaisées.
Et c'est comme cela qu'en une année je me suis retrouvée vieille, très vieille, toute cassée.
Dans la nuit de ce tunnel sans fin il me semble néanmoins apercevoir tout au bout, de petites lueurs qui dansent dans un ciel d'été, un ballet de lucioles, étincelles de vie et porteuses d'un possible avenir.
Je ne vais pas rajeunir, mais peut-être retrouver mon enfance, une enfance, celle du temps où je gardais dans mes mains jointes, sans oser respirer de peur de l'éteindre, un de ces "vers luisant", minuscule lanterne qui éclairaient les soirs de chaleur, quand les nuits crissaient de criquets et grillons, l'espace d'un instant, avant de le relâcher ou de le déposer délicatement sur un buisson.
Je ne sais pas encore comment je vais survivre à ces braises qui me rongent, et pourtant même si les lucioles de mon présent, sont encore captives des matins glacés, des jours de pluie et de bourrasque, des nuits sans hululements de chouette, je pressens les prémices de leurs éclosions.
Je sens une force, à peine perceptible, mais qui s'est insinuée en moi et qui s'active pour éteindre l'incendie, et réparer ce qui peut l'être.
Fasse qu'un coup de vent trop fort, ne la souffle pas !
Ma vie désormais tient à la fois aux fragiles et minuscules lumières de ces lucioles qui volettent dans mes nuits et les ponctuent de leurs points fluorescents et à ces gouttes de rosée et de pluie qui éteignent les charbons ardents du brasier qui s'est allumé en moi.
Il faut laisser faire mon corps, lui faire confiance et lâcher prise.
Lot - Début 2016